Le twist final : la bonne idée devenue effet de mode

Mon article précédent était consacré au deus ex machina, cet évènement inattendu et improbable qui renverse une situation désespérée. Restons dans les procédés de renversement, et analysons le twist final !

D’abord, qu’est-ce qu’un « twist » tout court (les anglophobes parleront de retournement  ou renversement) ? Au sens large du terme, un twist  correspond à un changement inattendu dans le déroulement d’un récit. Dans un sens plus restreint (et plus proche du twist final), c’est une révélation, une information fournie au spectateur qui modifie profondément son interprétation du film.

Exemple typique des films de science-fiction horrifique (type Alien ) : nous apprenons, au milieu du film, que l’expédition scientifique a en réalité pour but de capturer un spécimen d’extra-terrestre ou un artefact pouvant servir d’arme. Bien souvent, un personnage (un robot, le commandant ou un autre membre de l’équipage) était le seul à être au courant de ce véritable objectif. C’est généralement à ce moment qu’on saute de son fauteuil en hurlant « ah ah! J’en étais sûr, son comportement était suspect! »

On retrouve régulièrement un twist au milieu d’une intrigue mais, tout comme le deus ex machina, c’est en fin de récit qu’il est le plus puissant. On parle alors de  twist final (d’ending twist ou encore de retournement final) : un évènement inattendu (bien souvent une révélation) à la fin de l’histoire qui offre un nouveau point de vue sur celle-ci, et pousse le spectateur à l’interpréter d’une autre façon.

Remarquez que je parle de spectateur, et pas de lecteur. En effet, le « twist final » est un terme généralement associé au cinéma même si, ironiquement, beaucoup de films (à twist final) sont des adaptations de la littérature. Un terme équivalent existe probablement en littérature, mais je serais bien incapable de le donner. En théâtre, on parle de « coup de théâtre », même s’il ne correspond pas exactement à un twist.. Ayant une formation en cinéma, j’ai tendance à utiliser le terme « twist » quel que soit le support…

Un bel exemple vaut souvent mieux qu’une longue explication, alors allons-y! Précision avant de poursuivre votre lecture : comme d’habitude, les spoilers sont encadrés par des balises MAIS de par la nature même du twist final, signaler sa présence constitue déjà une forme de spoiler, puisque la construction du film repose entièrement- s’il est bien écrit- sur ce twist final. Dès lors, je me contente d’exemples célèbres dans l’article. En bas de page, les lecteurs intéressés pourront découvrir quelques exemples supplémentaires.

Un classique des années 90!

Il me suffira de citer Le Sixième Sens (1999, M. Night Shyamalan) pour que le visage de ceux qui l’ont vu s’éclaire soudainement. Ce film est aujourd’hui un classique du « twist final »

Le Sixième sens est l’histoire d’un garçon de 9 ans, Colar (Haley Joel Osment), qui a la capacité de voir des personnes décédées. Celles-ci s’adressent à lui, parfois de manière très agressive, ce qui le traumatise (sans blague ?). Un psychiatre, Malcolm Crowe (Bruce Willis), l’aide à comprendre son pouvoir.

SPOILER

Au début du film, Malcolm se fait tirer dessus par un patient qu’il négligeait. Celui-ci s’est pendu par la suite. A la fin du Sixième Sens, Malcolm parvient à aider Colar.  En rentrant chez lui, il comprend qu’il est lui-même un fantôme et qu’il n’a pas survécu au coup de feu se son patient. Tout  comme les autres fantômes, il n’avait pas conscience de sa mort et demandait de l’aide à Colar.

FIN SPOILER

Mais en matière de twist final, difficile de ne pas citer l’exemple emblématique, l’empereur des twists : le « Luke, je suis ton père »de Dark Vador,

« Luke, je suis ton père! »

dans Star Wars, épisode V : L’Empire contre-attaque (1980, Irvin Kershner).

Cette révélation change tout pour Luke Skywalker et pour le spectateur. Nous comprenons qu’Obi-Wan Kenobi parlait de mort au sens figuré, lorsqu’il racontait à Luke que Dark Vador avait assassiné son père, Anakin Skywalker.

Ce twist est d’autant plus ingénieux qu’il est placé à la fin du deuxième film de la trilogie. Cette révélation nous fait percevoir différemment ce qui s’est passé auparavant… tout en modifiant notre manière d’appréhender la suite. Elle renverse également l’objectif dramatique de Luke : il n’est plus question de tuer Dark Vador et de s’en venger, mais bien de le ramener du côté clair !  Par rapport à l’Empire contre-attaque, cette révélation est un twist final. Mais par rapport à la trilogie, cette révélation est un simple twist !

Autre grand classique : La Planète des Singes.  Écrit en 1963 par Pierre Boulle, ce roman a connu plusieurs adaptations à l’écran.

La Planète des Singes est un récit de science-fiction qui se déroule vers l’année 2500. Le professeur Antelle organise une mission d’exploration sur une planète lointaine. Il emmène avec lui Ulysse Mérou, le narrateur de l’histoire. Sur place, le petit groupe est confronté à des humains vivant comme des animaux, nus et incapables de s’exprimer autrement que par des cris. Un peu plus tard, Ulysse découvre avec horreur que la civilisation de cette planète est composée de singes qui ont une conscience et une intelligence… humaine. Capturé et traité comme un sujet d’expérience, Ulysse se bat pour prouver qu’il est lui aussi un être conscient.

SPOILER

Le livre et son double twist final!

A la fin du récit, Ulysse parvient à rentrer sur terre. Son vaisseau se pose, une silhouette s’approche… et c’est l’horreur ! Ce n’est pas un homme mais un gorille qui accueille Ulysse! Rappelez-vous qu’au cours du récit, le narrateur découvre que la civilisation des singes est une imitation d’une civilisation humaine, qui a autrefois régné sur cette planète. La terre a donc suivi la même trajectoire.

Le roman a recours un double twist final qui n’est pas présent, si mes souvenirs sont exacts, dans les adaptations au cinéma. Le 2e twist est en effet difficile à rendre visuellement sans vendre la mèche !

L’intrigue du roman démarre lorsqu’ un jeune couple, Jinn et Phyllis, découvre un vieux manuscrit, au cours d’un voyage touristique dans l’espace. Le manuscrit contient le récit d’Ulysse Mérou. Après que celui-ci soit revenu sur terre, la narration se clôt par un retour sur Jinn et Phyllis. Nous découvrons alors que ces personnages ne sont pas des humains mais des chimpanzés…

FIN SPOILER

Le twist final apporte une nouvelle lecture à une œuvre et favorise un 2e visionnage (ou une 2e lecture) de l’œuvre. S’il est bien fait, il embellit le final et surprend le spectateur. Un twist final bien exécuté, c’est le bonheur assuré.

Bien exécuté, cela signifie que l’auteur l’a prévu dès le départ, et a construit son récit dans le but d’arriver à ce retournement final (en imaginant des histoires, il m’est arrivé d’avoir une idée soudaine de twist final alors que mon travail était très avancé. Le résultat n’était pas terrible, parce que j’essayais de tronquer tout ce que j’avais écrit auparavant pour rejoindre ce twist final de dernière minute…).

Lorsque vous reverrez le film, vous repérerez beaucoup de scènes dont vous n’aviez pas perçu le double sens à la première vision. Ce second visionnage est une expérience très gratifiante.

Le but du twist final est de surprendre le spectateur. Dans cette force se situe également sa faiblesse. Le désir de surprendre à tout prix peut entrainer l’auteur dans la tricherie vis-à-vis de son public, ou dans une surenchère.

Ce que j’appelle « tricherie », c’est le fait de ne laisser aucun indice quant au twist final ; ne laisser aucune chance au spectateur de le découvrir avant qu’il soit là.

Prenons un exemple, hors du genre fantastique. J’ai été déçu par le twist final de Fight Club (1999, David Fincher). Le contexte dans lequel j’ai vu ce film est un peu particulier : un article m’avait révélé le twist final auparavant. Dès lors, j’avais décidé d’être attentif, et de repérer les éventuels indices laissés par les scénaristes. J’ai constaté avec amertume qu’il était très difficile (voire impossible) de découvrir le twist, même en ayant été prévenu au préalable.

SPOILER

Le twist est presque indécelable parce que toute l’histoire est racontée du point de vue du narrateur (Edward Norton).

FIN SPOILER

Ce petit couac ne m’empêche pas d’apprécier le film, mais je pense que les auteurs devraient toujours laisser à leur public des indices.

A ce sujet, malgré ma critique négative à l’encontre de The Dark Knight Rises (2012, Christopher Nolan), je dois reconnaitre que certains twists ont été préparés.

SPOILER

 Ecoutez-bien ce qui se dit par rapport à l’enfant qui est parvenu à s’échapper de la prison (l’enfant de Ra’s al Gul), observez les flashbacks qui vous sont proposés, et vous comprendrez que l’enfant ne peut pas être Bane. A partir de là, vous pouvez déduire que Mirranda Tate est la fille de Ra’s al Gul avant la révélation.

FIN SPOILER

Dans le cas de The Dark Knight Rises, le problème est plutôt que le twist est trop prévisible, parce que le récit est trop classique, trop stéréotypé.

Le vrai problème du twist final, c’est la surenchère. Ce procédé plait au spectateur (moi le premier !), qui en redemande… tout en étant plus exigeant, puisqu’il s’y habitue. D’où cette escalade : ces dernières années, les surprises se multiplient (plusieurs twists d’affilée) ou sont tellement improbables qu’elles n’en sont plus crédibles. Aujourd’hui, le twist final est devenu un effet de mode et aboutit régulièrement à une déception…

Lien complémentaire: un cas concret de twist, dans la série Helix. A lire sur Scientas’Hic!

Ci-dessous, quelques exemples supplémentaires de film construit sur un twist final.  L’occasion de donner votre avis, si le cœur vous en dit !

  • Les Autres (2001, Alejandro Amenàbar). Ce film est construit brillamment. Sa fin est une excellente surprise, je n’avais rien vu venir ! Le suspense monte progressivement, au fur et à mesure que des évènements de plus en plus troublants se succèdent.  Le dénouement final est épatant. Pour moi, Les Autres est le meilleur exemple de twist final.
  • Le Prestige (2006, Christopher Nolan). Ce film repose sur un double twist final. La seconde révélation n’est pas la plus originale qui soit, mais il fallait y penser. Le Prestige est un exemple de bonne intégration de twist final car son intrigue repose sur l’illusion et le mensonge.
  • Watchmen : les Gardiens (2009, Zack Snyder): le récit ne fournit pas d’indices quant à son twist final. Celui-ci est relativement classique, du moins pour des spectateurs des années 2000. Pour rappel, Watchmen est l’adaptation d’une série de comic book.

Nicolas

5 réflexions sur “Le twist final : la bonne idée devenue effet de mode

  1. Oui le sixième sens la révélation est vraiment surprenante et poignante, celui de fight club est quand même exellent, et fait réfléchir aux scènes avec les 2 personnages, mais le film en lui même est géant. Les autres, c’est aussi un exllent film, surtout niveau ambiance. On n’est tout le film en train de nous suggérer du fantastique alors uqe non mais qu’il est la ou on pensait le moins le trouver. Si tu aime les animes, Another est vraiment dans le même genre, avec les mêmes genres d’ambiance et de twist. Watchmen c’est vrai que c’est déja beaucoup moins surprenant, mais le film reste exellent.

  2. Merci pour cet intéressant article.
    Pour le dénouement final d’une nouvelle, je crois qu’on parle de « chute », comme pour une blague. A prendre avec des pincettes parce que je ne suis pas sûr de moi.

  3. Pingback: [Analyse] « Helix , un double twist tortueux | «Scientas'Hic

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